La science-fiction : vision futuriste ou utopiste

Alors que le genre à réellement débuté au début du siècle avec Georges Melies, les films de science-fiction ne décolleront qu’à la fin des années soixante avec Stanley Kubrick et se généraliseront fin des années septante avec Ridley Scott et Georges Lucas.

Stanley Kubrick

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Photographe de formation, il fait ses premiers pas au cinéma en 1957 avec Fear And Desire. Son regard de photographe cadre le monde réel et le réinterprète à sa façon.

2001 : L’odyssée de l’espace (1968) :

un an avant que l’homme ne pose le pied sur la lune, Kubrick propulse nos jeunes héros dans l’espace intersidéral et fait décoller le genrede la science-fiction. Par ce chef-d’oeuvre, il se positionne sur la question de la modernité et de la place de la machine. Après Alphaville (Jean-Luc Godard; 1965) et avant Matrix (Andy et Lana Wachowski; 1999) l’homme sera dominé par l’intelligence des ordinateurs.

Comme certains architectes, Kubrick n’hésitera pas à user du vide et des moments sans action pour faire naître l’émotion de solitude comparable à celle des protagonistes.

Suivant le site Doctor B cinéma ce film relaterait l’histoire de l’humanité et sa relation avec le monolithe, pierre qui produit une influence sur l’évolution de l’homme. La scène finale symbolise l’évolution suivante de l’homme, le passage de la verticalité à l’horizontalité. Partant du principe de Nietzsche (Éternel retour), ce passage à la verticalité n’est rien d’autre que le rapprochement de l’homme à la nature, passant de l’état debout à la position foetale(1). Le réalisateur est peut-être un grand précurseur de l’écologie, l’homme dans sa phase actuellement verticale (tour de logement, bureaux…) et retournant à des formes plus naturelles….(2).

Orange Mécanique (1971) :

Deux symboliques peuvent être retirées de l’architecture : les dérives, la violence et la peur dans la maison moderne. La résidence contemporaine avec ses murs blancs et vides est vue comme froide. On peut en déduire une dénonciation de la modernité. L’hôpital psychiatrique dans son style classique donne une image de brutalité, c’est le lieu de correction, de punition par les anciens(3).

Shining (1980) :

L’ambiguïté entre la folie de l’homme et la possession de celui-ci par l’hôtel tient en haleine le spectateur jusqu’a la fin du film. En effet, Kubrick joue sur la mise en scène d’Overlook (traduction littérale : au-dessus du regard) la résidence momentanée de la famille pour induire une possession du protagoniste. Le film débute sur le voyage en voiture de la famille, seul véhicule à monter sur la route montagnarde comme s’engouffrant dans cet hôtel surplombant la montagne(4).

Notons la scène où Jack observe la maquette miniature du labyrinthe (39’40 »), dans le plan suivant nous pouvons observer Wendy et Danny visitant le vrai labyrinthe : ce plan-raccord donne une impression de regard et de contrôle de Jack du haut de l’hôtel sur l’extérieur de celui-ci(4).

La célèbre scène de l’escalier (1h40,) nous révèle quelques secrets : pour Alceste Floupe celui-ci représente la montagne extérieure, l’épreuve à franchir pour pouvoir sortir de la pièce. Il est aussi le lieu où un changement de position dominé-dominant s’opère; en effet, dès que Wendy eut gravi l’escalier, celle-ci menace Jack de sa batte, cette fois-ci dans une position de faiblesse(5).

Georges Lucas

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Son premier film sort en 1971. THX 1138 est un film d’anticipation où l’homme vit sous terre. La devise « Travaille (sic) dur, accrois la production, veille (sic) à la prévention des accidents et sois heureux »(6), n’est pas sans faire penser au fordisme et au capitalisme moderne; le bonheur n’est qu’un accessoire à la croissance économique. L’architecture est quasiment inexistante comme toute forme d’art ou d’identité personnelle.

Georges Lucas marquera une pause dans la ligne de la science-fiction avec American Graffiti en 1973. Son oeuvre est une dénonciation du monde des années 70-80 et de la place de la voiture dans la ville (apparemment Los Angeles) et dans la vie des citoyens américains. L’histoire se déroule en effet majoritairement en automobile; et la ville, ses bâtiments et ses habitants semblent s’y être soumis (ciné-parc, restauration rapide et repas dans l’auto….).

Stars Wars sort en 1977. Cette date est le début d’une longue saga. Cette double trilogie relate l’histoire d’Anakin et Luc Skywalker voyageant à travers l’espace, entre différentes planètes et d’immenses villes utopiques, dont chacune met en exergue ne vision futuriste potentielle de notre monde.

Ridley Scott

Ridley Scott se lance dans la science-fiction dès son deuxième long métrage en 1979 avec Alien, Le huitième passager; quatre suites seront produites dont l’une (Alien 4 : la résurrection, 1997), du réalisateur français Jean-Pierre Jeunet, se terminant par la vision dystopique de Paris dans les années 2380.

Blade Runner (1982), est un film d’anticipation où la société Tyrell Corporation contrôle la ville de Los Angeles en 2019. Charuet parle d’« […] une mégalopole inquiétante, mais familière où par une imperceptible métamorphose des objets urbains, l’impossible bascule dans le possible, la limite entre réel et fiction s’estompe »(7).

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Terry Gilliam

Son oeuvre la plus connue est sans doute Brazil (1985), une dénonciation de la société et de son contrôle social. La perte d’identité du personnage principal qui travaille au sein d’une énorme machine bureaucratique est claire: les bureaux sont sobres et sans personnalisation, les couloirs s’étendent à perte de vue dans une structure tubulaire (le site Wikipédia relève l’influence de Metropolis sur ce thème) envahissant tout un chacun. Terry Gilliam s’explique au sujet de son film : « Je suis obsédé par les viscères, mécaniques ou organiques, et j’ai toujours été fasciné par le fonctionnement interne des choses, précise Gilliam. J’aime cette idée que «Central Services» comble tous nos besoins, et que chacun accepte de voir cette structure envahir sa demeure pour avoir accès à ses services »(8) . Dans un monde où le multimédia, l’informatique et la publicité envahissent nos foyers tous les jours un peu plus, il devient légitime de se demander si l’oeuvre de Gilliam n’est pas un film d’anticipation plutôt qu’une simple fiction.

L’armée des douze singes (1995 est en fait un remake de La jetée (Chris Marker, 1962); ce film annonce le questionnement du contrôle de l’homme sur le monde : peut-il le détruire? Peut-il le reconstruire? Peut-il tout contrôler? Tout? Peut-être pas le temps qui s’écoule irrévocablement devant lui.

Tideland (2005) est un récit fantastique qui relate l’histoire d’une jeune fille vivant dans une maison de bois et dont le seul voisinage est une famille dans une maison de pierres. Ici l’habitat prend tout son sens, mis en relation avec la vie de ces deux familles. La première est délabrée, le père y meurt : la vie de la demeure comme celle de la jeune fille ne tient qu’à un fil. L’autre résidence solide et effrayante est a l’image de la sorcière et de son disciple.

Auteur :

Izzo Jean-Michel

Sources :

1. Site Doctor b cinéma : « Analyse “2001 : l’odyssée de l’espace” de S. Kubrick (2/2) », [en ligne]. Adresse URL : http://doctorbcinema.wordpress.com/2009/06/24/analyse-2001-lodyssee-delespace- de-s-kubrick-22/, (visité le 31/03/2012).
2. Site Ed-wood : « 2001 : l’odyssée de l’espace », [en ligne]. Adresse URL : http://www.ed-wood. net/2001.htm, (visité le 31/03/2012).
3. Site Ciné lycée : « Orange Mécanique », [en ligne]. Adresse URL : http://www.cinelycee.com/tpe.php?id_tpe=7, (visité le 31/03/2012).
4. Site Critikat : « Shining », [en ligne]. Adresse URL : http://www.critikat.com/Shining.html, (visité le 31/03/2012).
5. Alceste Floupe sur le site Audofanzine : « Analyse du Film The Shining », [en ligne]. Adresse URL : http://fr.audiofanzine.com/le-pub-des-gentlemen/forums/t.149429,analyse-du-film-theshining- quot.html, (visité le 31/03/2012).
6. Site Dvd classik : « THX 1138 », [en ligne]. Adresse URL : http://www.dvdclassik.com/critique/ thx-1138-lucas, (visité le 31/03/2012).

1. CHARUET J-M., « Moralité d’un polar galactique », Architecture Interieur Cree, No 191, novembre-décembre 1982, p. 64 dans CAIGNET G., « NEXUS-6 », ISAI Mons, 1996-1997, p. 59.
2. Brian Howell, Films & Filming, no 366, mars 85, p. 28 sur le site Wikipédia : « Brazil (film, 1985) », [en ligne]. Adresse URL : http://fr.wikipedia.org/wiki/Brazil_(film,_1985)#cite_note-7, (visité le 31/03/2012).

 

Images :

image de couverture : Coruscant dans Star wars de Georges Lucas, « Star wars force » [en ligne]. Adresse URL : http://tpestarwarsllm.blog.lemonde.fr/, (05/11/2016).
1. 2001 : L’odyssée de l’espace de Stanley Kubrick, « Antahkarana » [en ligne]. Adresse URL : http://antahkarana.forumzen.com/t941-exegeses-de-films-entre-autres-hero, (01/04/2012).
Captures d’écran de film; KUBRICK Stanley (réalisateur), (1971), Orange mécanique, [Dvd], Angleterre et États-Unis : Warner Bros. Pictures et Hawk Films.
2. American Grafiti de Georges Lucas, « Lieu geographique » [en ligne]. Adresse URL : http://www.lieu-geographique.com/american-graffiti-le-mels-drive-in-restaurant.html, (01/04/2012).
THX 1138 de Georges Lucas « Fusion anomaly » [en ligne]. Adresse URL : http://fusionanomaly.net/thx1138.html, (01/04/2012).
Tatooine dans Star wars de Georges Lucas, « Star wars force » [en ligne]. Adresse URL : http://www.1fotech.com/visitez-une-ville-de-tatooine-sur-notre-planete/, (29/11/2012).
3. Brazil de Terry Gilliam, « Dvd classik » [en ligne]. Adresse URL : http://www.dvdclassik.com/forum/viewtopic.php?t=32473, (01/04/2012).
Brazil de Terry Gilliam, « Chroniscope » [en ligne]. Adresse URL : http://www.chroniscope.com/critique_1_223_2_1.html, (01/04/2012).
Tideland de Terry Gilliam, « Caprifilms » [en ligne]. Adresse URL : http://www.caprifilms.com/capri-pressmaterial.html, (01/04/2012).